Par Gaëlle LE ROUX - L'Agence internationale de l'énergie atomique s'apprête à publier un rapport établissant le caractère mili...
L'Agence internationale de l'énergie atomique s'apprête à publier un rapport établissant le caractère militaire des installations nucléaires iraniennes. Benjamin Netanyahou, qui agite le spectre d'une menace imminente, envisage des frappes en Iran.
Si le dossier nucléaire iranien n'occupait plus les unes des médias internationaux, chassé des esprits par les révolutions arabes, il est, depuis quelques jours, replacé sur le devant de la scène. La raison : l'inquiétude provoquée, au sein de la classe politique israélienne, par un rapport que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) s'apprête à publier.
Ce document, qui doit être rendu public le 8 novembre, concerne le dossier du nucléaire iranien. Selon des diplomates occidentaux, il conforterait la thèse selon laquelle l'Iran chercherait à se doter d'un arsenal nucléaire,thèse que l'AIEA défend depuis maintenant huit ans.
Selon les médias israéliens, une partie du gouvernement serait en faveur d'une attaque militaire préventive contre les installations nucléaires iraniennes. Ce point de vue, très loin de faire l'unanimité, a provoqué un vif débat à la Knesset le 31 octobre dernier. D'un côté, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, le ministre de la Défense, Ehoud Barak, et le ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, prônent l'option militaire. Alors que l'autre partie du gouvernement et les responsables des agences de sécurité font bloc, privilégiant l'adoption de nouvelles sanctions économiques pour faire pression sur Téhéran.
"La sécurité, ce n'est pas uniquement la défense, c'est aussi la capacité d'attaquer", a déclaré Benjamin Netanyahou à la Knesset, provoquant une vive inquiétude au sein de son propre rang et un tollé de l'opposition.
Londres et Washington envisageraient des plans d'intervention
Inquiet des conséquences régionales d'une frappe sans appui international, Washington avait déjà envoyé son secrétaire à la Défense, Leon Panetta, en Israël début octobre pour tenter de dissuader les autorités israéliennes d'attaquer l'Iran sans en avertir les États-Unis. Le scénario d'une attaque groupée semble pourtant faire son chemin. Israël, le Royaume-Uni et les États-Unis seraient, selon "The Guardian", en train d'étudier différents options pour intervenir militairement dans la région. Dans son édition du 3 novembre, le quotidien britannique rapporte ainsi que Washington pourrait accélérer la planification d'une frappe contre l'Iran et demander l'aide des militaires britanniques.
"Le gouvernement britannique estime qu'une stratégie parallèle de pression et d'engagement est la meilleure approche pour répondre à la menace nucléaire iranienne et éviter un conflit régional. Nous voulons une solutions négociée, mais toutes les options doivent rester sur la table", a déclaré un porte-parole du ministère britannique de la Défense , d'après le même quotidien.
Citant des diplomates, "The New York Times" révèle, dans son édition du 29 octobre, que l'administration américaine envisagerait de repositionner ses troupes partant d'Irak dans le Golfe Persique, notamment au Koweït, pour pouvoir intervenir rapidement en cas de dégradation de la situation en Irak et en cas d'agression de la part de l'Iran. De son côté, Israël vient d'achever une série d'entraînements de défense civile, pour préparer la population à une attaque de missiles, et une semaine d'exercices spéciaux de son armée de l'air. Les Israéliens ont également procédé à un test de missiles à partir d'une base militaire proche de Tel Aviv.
Pour l'heure, selon les médias israéliens, la majorité des 15 ministres qui composent le cabinet de sécurité israélien, seule instance autoriser à donner le feu vert pour une opération militaire d'une telle envergure, s'oppose à des frappes contre l'Iran. Tout comme la majorité des responsables des agences de sécurité israéliennes qui craignent notamment un embrasement de la région.
"Des conséquences régionales catastrophiques"
"Les sanctions et sabotages ont déjà considérablement affaibli l'Iran, assure Brice Riedel, ancien conseiller stratégique à la Maison Blanche et à la CIA, interrogé par l'agence Reuters. Une opération militaire saperait le consensus international autour de l'Iran et ne servirait pas à grand-chose. Pire, elle serait prétexte à une riposte très violente". Les experts militaires s'accordent sur le fait que des bombardements n'auraient que peu d'impact sur des installations souterraines, leur existence viendrait-elle à être établie avec certitude.
"Or, il semble évident que l'Iran met tout en œuvre pour protéger ses installations nucléaires en les cachant, en les enterrant et en les dispersant", précise Peter Wezeman, expert sur les questions militaires au Stockholm International Peace Reseach Institute.
Une attaque militaire contre l'Iran pourrait avoir des répercussions régionales catastrophiques. "Nous ignorons complètement quelles seraient les conséquences d'une telle opération", affirme Malcolm Chalmers, directeur de recherche au centre britannique Britain's Royal United Services Institute (RUSI). "Ce qui commencerait par une frappe motivée par des doutes sur le programme nucléaire iranien se transformerait très probablement en un conflit beaucoup plus large", ajoute-t-il. D'autant que, selon le chercheur, une autre question se pose : "il y a le problème de savoir combien de frappes seront suffisantes. Il pourrait y avoir la tentation de détruire la défense aérienne iranienne… puis finalement l'ensemble des infrastructures militaires iraniennes".
Pour Bernard Hourcade, directeur de recherche au CNRS, la menace nucléaire iranienne n'est qu'une manœuvre de la droite israélienne pour "faire oublier ses difficultés internes" : "Il est techniquement avéré que l'Iran, si tant est que le pays veut se doter d'armes nucléaires, n'en disposera pas avant une dizaine d'années. La droite israélienne veut détourner le regard des Israéliens des changements politiques dans le monde arabe."
Reste à savoir si le rapport de l'AIEA apportera des preuves nouvelles, pouvant être utilisées pour justifier des frappes aériennes. France24
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