La télévision d'Etat a indiqué que les protestataires avaient lancé des pierres sur les...
LE CAIRE (AFP) - Vingt-quatre personnes ont été tuées dimanche dans des affrontements opposant des manifestants coptes (chrétiens d'Egypte) aux forces de l'ordre dans le centre du Caire, les violences les plus meurtrières depuis la révolte qui a renversé le président Moubarak en février.
Un couvre-feu a été décrété dans le centre de la capitale de 02H00 à 07H00 (00H00 à 05H00 GMT) pour tenter de rétablir le calme et la sécurité a été renforcée autour du Parlement, du siège du conseil des ministres et du musée archéologique du Caire.
Plus de 200 personnes ont également été blessées en marge de cette manifestation qui visait à protester contre l'incendie d'une église dans le gouvernorat d'Assouan (sud), selon le ministère de la Santé.
Un journaliste de l'AFP a vu les dépouilles de 17 manifestants à l'Hôpital copte du Caire. L'un d'entre eux avait le visage écrasé au point d'être méconnaissable, et le chaos régnait dans cet établissement où les familles hurlaient leur colère. "Un véhicule de l'armée a roulé sur cinq manifestants", a dit à l'AFP le père Daoud, un prêtre copte. "Voici son cerveau", a-t-il ajouté en parlant du manifestant au visage défoncé, en montrant de la matière blanche dans un sac en plastique.
Des blessures par balles étaient visibles sur certaines des dépouilles.
Le Premier ministre Essam Charaf a affirmé dans la nuit de dimanche à lundi que l'Egypte était "en danger". "La nation est en danger suite à ces évènements", a-t-il dit dans une allocution retransmise par la télévision publique. "Ces évènements nous ont ramenés en arrière (...) au lieu d'aller de l'avant pour construire un Etat moderne sur des bases démocratiques saines", a-t-il ajouté. Sur sa page officielle sur Facebook, il a appelé chrétiens et musulmans "à la retenue" et à ne pas céder aux "appels à la sédition".
Les premières législatives depuis le départ de M. Moubarak doivent se tenir à partir du 28 novembre.
Le grand imam de la prestigieuse institution musulmane sunnite d'Al-Azhar, Ahmed al-Tayeb, a de son côté appelé le patriarche de l'Eglise copte Chenouda III. "Il s'agit d'un complot contre la patrie et la révolution", a pour sa part affirmé l'écrivain Alaa al-Aswany sur Twitter. Des affrontements entre musulmans armés de bâtons et chrétiens près de l'hôpital où était soignée la majorité des manifestants coptes ont fait craindre des violences à plus grande échelle.
Plusieurs véhicules étaient en feu dans une grande rue voisine de l'hôpital et des manifestants coptes prenaient de l'essence des voitures pour en faire des cocktails Molotov.
Mais en fin de soirée, les musulmans ont marché vers l'hôpital en criant "Musulman, chrétien, une seule main", mettant fin aux violences près de l'établissement, selon un journaliste de l'AFP. Plusieurs blindés de transport de troupes et une dizaine de camions de la police anti-émeutes étaient postés non loin de là.
Les raisons qui ont fait dégénérer en fin de journée ce qui avait commencé comme une marche pacifique de milliers de Coptes du quartier de Chobra vers Maspero, où se trouve la télévision publique dans le centre du Caire, restent confuses.
La télévision d'Etat a indiqué que les protestataires avaient lancé des pierres sur les forces de l'ordre et, citant des témoins, que les manifestants coptes étaient armés. Les polices anti-émeutes et militaire ont selon elle tiré des coups de feu en l'air et des lacrymogènes pour les disperser. La chaîne publique a cité des soldats blessés assurant ne pas disposer de balles réelles.
Mais sur Twitter, beaucoup parlent de l'intervention de "voyous" venus perturber le rassemblement. Nombreux sont aussi ceux qui accusent les médias officiels de tenir un discours anti-chrétiens. "Mon collègue est mort à mes côtés. Ils nous ont tiré dessus (...). Chrétiens fils de chiens", a dit l'un des membres des forces de l'ordre blessés, filmé par la télévision publique.
De Chobra à Maspero, les manifestants, dont certains brandissaient des croix, avaient scandé "A bas le maréchal" Hussein Tantaoui, qui dirige le pays depuis la démission sous la pression de la rue de M. Moubarak en février. Ils ont brièvement essuyé des jets de pierres sur le chemin, selon un correspondant de l'AFP.
Des centaines de Coptes avaient déjà manifesté mardi pour protester contre l'incendie d'une église, dans le gouvernorat d'Assouan, et réclamer le limogeage du gouverneur.
Les Coptes, qui représentent de 6 à 10% des Egyptiens, s'estiment discriminés dans une société en grande majorité musulmane. Ils ont été visés par plusieurs attentats, en particulier celui du Nouvel an contre une église à Alexandrie (23 morts).
Le 7 mai, 15 personnes avaient été tuées et plus de 200 blessées au Caire lorsque des musulmans avaient attaqué deux églises, affirmant qu'une chrétienne convertie à l'islam était détenue dans l'un des lieux de culte. L'Egypte connaît depuis plusieurs mois une montée des tensions confessionnelles, alimentées notamment par des querelles de voisinage et des différends sur la construction d'églises.
© 2011 AFP
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