Un gouvernement d’Union nationale s’impose
Avec la crise politico-institutionnelle qui se profile à l’horizon comorien, chacun y va de ses commentaires. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que les vocables « Gouvernement d’union nationale » ou «Gouvernement de transition » sont sur toutes les lèvres. Bien sûr, cette théorie a ses opposants et ses partisans. Normal, les uns ne voudraient peut être pas partager le pouvoir et les autres chercheraient, éventuellement, à y entrer.Mais une chose est sur, le pays risque de plonger dans une crise politique au lendemain du 26 mai 2010. Sera-t-elle aiguë et mouvementée ? On n’en sait rien. Fera-t-elle du mal au pays, à son équilibre, à son unité, à son intégrité territoriale, à son économie et à son développement? Surement.
Soyons claire. Ce n’est pas parce qu’une reforme constitutionnelle fixe désormais le mandat du président à 5 ans, et qu’on ait renvoyé aux parlementaires le soin de trancher sur la question du calendrier des élections, qu’on s’arroge le pouvoir de proroger de 18 mois le mandant du président en exercice. Et ce n’est pas non plus parce qu’un congrès prolonge de quelques mois le mandat du président de l’union qu’on devrait mettre un pays à feu et à sang.
Au nom de quoi a-t-on prolongé le mandat du président de l’Union ? La constitution ? Non, car la disposition relative au mandat présidentiel ne peut pas, pour de raisons de sécurité juridique, avoir un effet rétroactif.
La volonté du Congrès ? Non, car celui-ci, aussi souverain soit-il, n’avait aucun mandat pour prolonger le mandat du président de l’Union. En agissant de la sorte, le congrès aurait commis « un détournement de pouvoir » en poursuivant d’autres objectifs (prolongement du mandat de l’Union)qui s’éloignent de ses missions classiques.
Et au nom de quoi, on inciterait les comoriens, surtout ceux de Mohéli, à se rebeller contre l’autorité étatique ? L’accord-cadre de Mohéli ? Non, car cet accord, bien qu’il reste la principale source d’inspiration de la constitution du 23 décembre 2001, ne porte aucune mention sur la tournante. Ce principe de présidence tournante a été conçu et introduite dans la constitution pour concilier le pays et assurer sa stabilité politique tout en opérant une péréquation du pouvoir entre les îles ; et jusqu’à preuve contraire, ce principe n’est pas remis en cause. Car il n’est dit dans aucun texte que le pouvoir doit revenir systématiquement à l’Île de Mohéli le 26 mai 2010 à minuit, comme d’aucuns se délectent de le rappeler.
Pourquoi camper sur des positions orthodoxes au risque de compromettre la paix et la stabilité du pays ? Il faut transcender les positions de principe des uns et des autres en s’écartant des querelles juridiques (volonté souveraine du congrès pour les uns, et principe de tournante pour les autres) et privilégier le dialogue et les solutions consensuelles.
[u]Faudrait-il laisser le président en exercice continuer son mandat jusqu’en novembre 2011, comme le prévoie la loi votée par le congrès ? Oui, à condition qu’il partage le pouvoir avec les autres forces vives de la nation.
Faudrait-il former un gouvernement d’union nationale ? Soit. Pourvu qu’il soit chargé d’assurer la transition pendant la période de 18 mois fixée par le congrès. Celui-ci devrait être nommé, au plus tard, le 26 mai 2010 et devrait être composé de représentants du pouvoir, de gouvernorats, de l’opposition et de la société civile. Ses missions seraient, entre autres attributions, de chercher les voies et moyens devant conduire à l’organisation des élections dans la sauvegarde de la tournante dans un délai raisonnable. Il devrait, de ce fait, comporter un Ministère chargé des Elections qui doit échoir à un mohelien.
Tout ceci constituerait, peut être, un gage pour le respect de la décision du congrès et de la tournante et la sauvegarde de la paix et de la stabilité d’un pays qui montre de signes de fragilité tous azimut.
Abdou Elwahab Msa Bacar