L’adoption d’une nouvelle loi bancaire en 2012 a abrogé le décret N°04-069/PR du 22 juin 2004 portant réglementation des activités de micro...
L’adoption d’une nouvelle loi bancaire en 2012 a abrogé le décret N°04-069/PR du 22 juin 2004 portant réglementation des activités de microfinance pour régir les institutions de microfinance (IMF) dans un même texte de loi que les banques.
En adoptant cette loi, le législateur a voulu imposer une relation de concurrence entre banque et IMF qui peuvent désormais exercer les mêmes activités prévues à l’article 5, 6 et 7 pour des cibles de clientèle confondue au sein du même marché. Cette relation de concurrence conduit à une orientation commerciale ou capitaliste des activités des IMF qui sont contraintes à des exigences de rentabilité immédiate et à certains ratios prudentiels.
En application de la loi bancaire, des règlements sont édictés par la BCC pour fixer les normes prudentielles des IMF en fonction de leurs fonds propres, notamment :
- - le règlement N° 001/2015/BCC/DSBR, relatif au capital social minimum des Institution Financières,
- - et le règlement N° 003/2015/BCC/DSBR, relatif aux exigences en fonds propre pour la couverture des risques de crédit et de hors bilan, des risques opérationnels et des immobilisations.
Ce nouveau cadre législatif devient répressif vis-à-vis des IMF à même de conduire à une perte de leur performance sociale notamment :
- L’approche concurrentielle implique le déplafonnement du montant maximum du crédit et la sélection d’une niche de clientèle plus aisée, ainsi que le recours aux marchés des capitaux. La conséquence est l’exclusion des pauvres des services bancaires et la dérive de la mission initiale des IMF.
- Les exigences en fonds propres entrainent des restrictions concernant le volume des créances chirographaires (non assorties de garanties). Conséquence : réduction du nombre d’emprunteurs qui doivent désormais disposer des garanties matérielles importantes.
- Le capital social minimum élevé fragilise les IMF moins performantes qui vont devoir se fusionner ou disparaitre. Ce qui explique une diminution de leur nombre et l’exclusion géographique. La création de nouveau IMF s’avère aussi impossible.
La nouvelle règlementation bancaire a mis à mal la subvention de la microfinance et constitue, par conséquent, une menace de démutualisation aux IMF qui, dans le passé, bénéficiaient des mesures fiscales dérogatoires pour leurs activités à caractère non lucratif. Cela veut dire qu’en cas de problème de solvabilité, ces dernières n’auront pas d’autre recours à se refinancer que de céder leurs actifs au profit des investisseurs étrangers : cette « main invisible » de financiers qui crée du capital aux dépens des populations pauvres pour garnir des comptes logés dans les paradis fiscaux.
Force est de constater la nécessité de reformer à nouveau le cadre de la microfinace pour prévenir tout risque de démutualisation des IMF. Ainsi, une réglementation différenciée entre banque et IMF est requise pour favoriser une approche subventionnée du microcrédit et une coopération mutuellement profitable devant permettre la réalisation des investissements complémentaires. La complémentarité entre les deux institutions résidera donc dans la spécificité au niveau de la forme du statut, de la nature de service, du public cible et de la gestion du risque. De cette différence, le régulateur accordera à chacune une licence dans son domaine de référence auquel elle détient un avantage comparatif.
Mohamed ABDOUL BASTOI