Le trio de l’honneur : Djaliho, mawu et nkarwa

Le anda na mila, il semble vrai, c'est toute institution. Mais, une institution dont le fonctionnement rigoureux n'est pas soumis à...

Le anda na mila, il semble vrai, c'est toute institution. Mais, une institution dont le fonctionnement rigoureux n'est pas soumis à des lois. Il est à la fois inéluctable pendant le temps où l'état de droit, la justice et la démocratie n'ont pas encore pignon sur la population et fragile dans le sens où il n'est pas régi sur des lois. Dans chaque région comme dans chaque village, les règles sont spécifiques.

A chaque célébration du anda, on apprend des nouvelles règles, des nouvelles normes, ce qui fait comprendre facilement qu'il est très difficile de voir respecter des lois mais plutôt la tendance de suivre une dynamique. Cependant, trois exigences s'imposent partout à Ngazidja : Djaliho, Mawu et Nkarwa, c'est incontournable.

Supposé, dans le sens propre, supporter le poids sur la tête ou sur les épaules, le nkarwa (bourrelet) est obligatoire partout sur l'ile comorienne de Ngazidja. Le sens imagé très prisé et respecté consiste à accorder une commission à la personne ou au groupe qui vous apporte quelque chose d'essentiel. Cela peut être matériel, numérique ou immatériel. C'est ce qui se passe lorsqu'un enfant vous transmet un colis de nourriture, vous lui donnez une petite part en lui disant : yiyo nde nkarwa. Il en est ainsi lors de célébration des coutumes. 

Le groupe de notables qui vous apporte le madjiliyo (contribution), après les discours censés rehausser le sens de la contribution de la part du prestataire, le bénéficiaire désigne un orateur qui doit remercier les généreux mécènes mais, en réalité, c'est pour annoncer le volume du nkarwa qui sera partagé entre les notables présents dans la transaction. Ce nkarwa n'est pas imposable dans le processus de remboursement car même dans le cas où il s'agit d'un retour de biens, il faut s'honorer par l'obligation, le nkarwa. 

Dans le temps où les moyens de communication ne permettaient pas de tenir les familles informées de l'arrivée heureuse d'un m'manga (retour de l'émigrant) la personne qui le voit en premier court de toutes jambes jusqu'au djandodjuwu (chez sa famille maternelle) pour percevoir, en toute chance le nkarwa de la bonne nouvelle. Cela peut être de l'argent et parfois un cabri sorti de fuliyoni (petit élevage domestique). Cette personne porteuse de bonnes nouvelles exige le nkarwa en disant : namwambe zambwao (dites ce que vous devez faire). 

Cette pratique obligatoire est tellement ancrée dans les mentalités des gens à tel point que certains parents croient être corrects en récompensant l'enseignant qui a fait réussir leurs enfants aux examens ou le chef de service qui a recruté un agent et même pour l'officier d'état civil pour l'obtention d'un acte administratif. A se demander aussi si certaines fêtes d'inauguration d'infrastructures communautaires ne sont pas une sorte de nkarwa comme l'est carrément la corruption passive. 

Quant au mawu, il s'agit du paiement d'une amande pour toute infraction sociale étant entendu que la présomption d'innocence n'existe pas dans la justice traditionnelle. En flagrant délit ou en accusation différée, une fois la sanction prononcée, il est obligatoire de payer. Le ibirisi (reconnaissance des faits) est une forme de respect qui s'impose car kapvana djosi pvetsina mdro (il n'y a pas de fumée là où il n'y a pas de feu). Mais il existe une hiérarchie des sanctions selon les fautes commises ou supposées. Cela va d'une insulte malvenue, d'un manquement aux traditions jusqu'aux actes répréhensibles ou abjects.

Le mawu peut répondre à un lawama (blâme ou moindre interpellation), un masiho (condamnation temporaire), un malapvo (condamnation grave et durable) ou un mshingiwa (répudiation). Dans les deux premiers cas, on laisse le fautif évaluer lui-même le paiement selon ye zalingana naye (ses moyens et ses ambitions sociales). Mais, quand il s'agit de malapvo, c'est la communauté qui fixe le prix à payer et l'échéance. 

Si le prix fixé est réglé rapidement, des négociations sont entamées pour amoindrir les charges. Dans ce cas-là, les négociateurs se portent garants de l'éligibilité sociale du coupable par la formule : ye mawu ndasi (c'est nous qui payons) ibirisi hadhwuiri sha mawu dene (les faits sont reconnus mais la rétribution est échelonnée). Normalement, plus le paiement passe d'une main à une autre des notables, plus il devient dégressif et amoindri. 

Si le fautif ne paie pas, l'échéance est décrétée pour pardonner le mawu et officialiser la banalisation historique car hulipva mawu yiyo anda (s'acquitter d'une amende est une vertu) Si la faute est classée zitsourendwa (inadmissible) comme l'inceste, le vol de bétail ou le meurtre, il n'y a que le gungu qui vaille. C'une terrible manifestation de bannissement public où le coupable est écrabouillé, un collier de coquille d'escargots au tour du coup, habillé de haillons mouillés, obligé de répéter son crime dans une marche bruyante à travers les ruelles et finalement hutolwa mdji (condamné à l'exil). C'est la perpétuité sous d'autres cieux

En ce qui concerne le djaliho, c'est une obligation sociale à honorer par les hommes nouvellement pères de famille. Cela consiste à offrir l'abondance nourricière à la femme qui vient d'accoucher. Il comporte un mrengo bien soutenu : des beaux régimes de bananes, des noix de cocos bien secs, des sacs de paddy de haute variété. Il comprend également des épices et des huiles destinées à parfaire une cuisine appétissante.

Pour les régimes de bananes, on doit distinguer les plus tendres pour la femme du uzadedjuwu (qui vient d'accoucher), des variétés nommées irumbe et padji, et d'autres qui doivent composer le repas des invitées, le fameux kontrike, car pendant neuf jours les amies et les voisines viennent manger ho uzadeni avec un menu bien garni : ubu le matin, ndrovi ya nazi na nfi à midi, nkahasi en fin d'après-midi et mayele na dziwa le soir On rajoute aussi quelques variétés beaucoup plus plantureuses, samba et ikame pour offrir des belles grillades au mari. 

Ce djaliho qui a évolué dans le temps mais respecté partout n'est pas dissocié de tout un processus de veiller sur la femme enceinte. Composée de protéines animales et végétales, une alimentation choisie est servie depuis les premiers signes de grossesse. 

Même au niveau du village, si on se partage la viande d'un cabri ou d'une vache, on offre les plus beaux morceaux à l'homme qui a mis sa femme enceinte (ngena yamira). Dès le 3e mois, la famille de la femme organise une prière pour annoncer au village la grossesse de leur fille qu'on appelle dalawo la mwezi wa raru (traitement du 3e mois). Le 7 e mois, une grande prière est financée par le mari pour la reconnaissance de son enfant, dalawo la mwezi wa fukare(traitement du 7e mois). 

Pendant cette période le mari et futur père est déconseillé de participer à des évènements malheureux comme les obsèques et les conflits antagonistes car il doit apporter la joie et le plaisir à la femme nécessiteuse au point de ne jamais la mettre en situation d'inquiétude ou de chagrin. Il doit aussi être prompt à satisfaire le hununkiwa (désirs alimentaires, des fruits en général) et supporter les caprices possibles comme le rejet et l'énervement) 

Cette attention sur la femme enceinte, se rend de plus en plus exigeante et surtout au moment de l'accouchement. 

Toutes les femmes du village se rendent chez celle qui est en travail pour l'accompagner dans la douleur et dans la joie. Elles ont pour rôle d'atténuer les douleurs par une anesthésie psychologique et par des poèmes chantés et des prières relaxantes pour qu'elle ne meure pas en accouchant ni qu'elle ait un mort-né. 

Lorsque les cris de détresse deviennent aigus, on souhaite que la femme en travail puisse garder sa conscience malgré la souffrance endurée. Les accompagnatrices commencent par envoyer, avec conviction, des nahunuse fahamwe (que dieu abreuve ta conscience) ponctués par des prières et des exhortations magiques. Il ne faudrait pas qu'on entende des nkondo ou des tsifude de la bouche de celle qui, dans la souffrance, devient l'attention de toute la communauté. 

Les prières sont exhaussées car, en général, avec les soins savants et sous le regard protecteur de la mzalisadji (matrone) c'est des mtrumwamgwe (que le messager de dieu me vienne en aide) jusqu' au solennel NGA ! répétitif, ce beau cri de délivrance, un appel à l'apaisement par le nouveau-né, cette émeraude qui étincelle la vie. La fameuse mtuzi wa nkuhu na dzindzanu (soupe au poulet et au safran) est la spécialité pour égayer le uzade C'est à partir de là que le Djaliho est attendue comme une obligation.

Ce n'est pas un simple geste de donner de la nourriture, c'est tout un amour à faire vivre pendant neuf mois et au-delà

Dini NASSUR
Naribarikishe
ye Komori
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