La nomination de chefs des villages et quartiers rétrograde le pays à la centralisation

L’affaire des chefs de villages et de quartiers, une question d’ignorance du Droit Les Comores sont en danger. Les Comores courent un grave...

L’affaire des chefs de villages et de quartiers, une question d’ignorance du Droit


Les Comores sont en danger. Les Comores courent un grave danger. Ce danger est identifié de manière univoque, mais seuls les initiés le savent, même si, par hypocrisie et pusillanimité, ils se taisent, laissant le pays sombrer. Ce danger s’appelle méconnaissance et mépris du Droit positif comorien. Pour mieux cerner la nullité des autorités comoriennes en matière de Droit, commençons par nous interroger sur la nature du modèle administratif comorien. Pour le bon juriste, les Comores ont opté pour le fédéralisme car leur système est basé sur l’autonomie des collectivités territoriales membres (les diverses îles autonomes) et leur pleine participation à la formation d’organes communs pourvus de prérogatives réelles. Les îles autonomes sont des États fédérés dotés d’importants pouvoirs pour gérer leurs affaires locales, en dehors de toute ingérence de l’État fédéral, représenté par le gouvernement de l’Union. Elles sont autonomes et sont officiellement «les îles autonomes». Alors, le juriste est vraiment choqué d’apprendre que l’État fédéral va rogner les pouvoirs des îles, en s’appuyant sur les plus farfelus des agents locaux: les chefs de villages et de quartiers. C’est de la pure bêtise parce qu’on ne peut pas, dans un fédéralisme, placer l’autorité élue sous l’autorité nommée. Ce mélange des genres est tout simplement ridicule et ne respecte aucune logique de Droit. Procédons à un petit rappel historique.


En France, pays de tradition jacobine, il a fallu vaincre bien de réticences avant de faire accepter le mérite du décongestionnement de l’administration par la création d’une administration locale. On se souvient d’Odillon Barrot (1791-1873) expliquant que la nomination d’autorités locales gérant les affaires locales était une nécessité et qu’elle ne remettait en cause en rien l’unité de l’autorité du Roi car, en définitive, «c’est le même marteau qui frappe mais on en a raccourci le manche». Puis, vint le décret français du 28 mars 1852, qui comporte dans l’exposé de ses motifs une phrase qui doit finir par arriver aux oreilles des autorités comoriennes: «On peut gouverner de loin mais on n’administre bien que de près». Donc, les Comores, pays ayant hérité de la France sa tradition jacobine, ont une nette prédilection pour la centralisation, voire une centralisation excessive, dont seul Ali Soilihi avait compris les dangers. La centralisation est un procédé nocif parce que l’autorité centrale dirige le pays à partir d’un centre, qui est généralement la capitale. Mais, comme il est très périlleux de gérer un pays dans de conditions pareilles, il a fallu déléguer certains pouvoirs, minimes, à des autorités locales, qui sont une simple courroie de transmission entre le pouvoir central et la population locale, et qui ne disposent d’aucune latitude d’action puisqu’il s’agit d’autorités nommées, qu’on peut licencier par légalité ou par opportunité. Quand le pouvoir central nomme l’autorité locale, c’est de la déconcentration, une forme atténuée de la centralisation. Il y a tout de même de la centralisation dans la déconcentration.
  
Le niveau immédiatement supérieur est la décentralisation, un procédé administratif fondé sur l’élection des autorités locales, qui se trouvent donc dotées d’une plus grande latitude d’action puisqu’elles ne sont pas révocables pour des raisons d’opportunité politique mais subissent uniquement un contrôle de légalité de leurs actes et travaillent dans le cadre d’une tutelle administrative strictement organisée par les textes. Au-dessus de la décentralisation, on retrouve le fédéralisme, qui dépasse de loin la tutelle administrative et se base sur un système d’autonomie des collectivités territoriales membres. Alors, il faudra expliquer aujourd’hui aux Comoriens pourquoi il est reconnu aux îles une autonomie administrative alors que c’est le ministre de l’Intérieur qui doit nommer des chefs de villages et de quartiers. Cette intrusion de l’État fédéral dans la basse-cour de l’État fédéré qu’est l’île autonome est la plus saugrenue des aberrations administratives des Comores. Si j’étais le Président Ikililou Dhoinine, il va sans dire que je n’aurais jamais signé un décret débile portant sur des chefs de villages et des chefs de quartiers et décidant que le ministre de l’Intérieur va signer plus de 5.000 arrêtés de nomination de chefs de villages et de quartiers.

S’il y avait un Service juridique à Beït-Salam, les Comoriens n’auraient jamais assisté à une telle mascarade. Comment peut-on demander à une autorité nommée et ne disposant pas d’un mandat propre d’être l’égal d’une autorité élue et même de prendre part à l’élection du Maire? En ce moment de doute, la question divise les Comoriens, champions du monde toutes catégories de discussions politiciennes oiseuses, et les «Comoricains» sont encore montés au créneau pour étaler leur méconnaissance du Droit.
  
Officiellement, l’homme Houssen Hassan Ibrahim dit «Jeannot» est ministre de l’Intérieur, de l’Information, de la Décentralisation, chargé des Relations avec les Institutions (au feu! Au feu!). Or, comme les Comores ont opté pour le fédéralisme – même si les Comores ne s’appellent plus la «République fédérale islamique» –, le ministre de l’Intérieur n’a aucune compétence en matière de «décentralisation», celle-ci revenant au Gouverneur de chaque île. N’oublions pas qu’aux termes de l’article 4 de la Constitution comorienne, «l’île autonome est placée sous l’autorité d’un Gouverneur conformément à l’article 7.2 de la Constitution». Dès lors, je risque de casser la figure de «Jeannot» si je le vois venir dans mon quartier de Djoiezi pour nommer un chef de village et des chefs de quartiers. C’est une affaire qui ne le regarde pas. C’est une affaire tellement intime qu’elle ne regarde même pas le Gouverneur de Mohéli. Pourquoi les autorités comoriennes ne veulent pas admettre une réalité aussi basique? Que vient faire un ministre de l’Intérieur dans la nomination des bordeliers de quartiers? Pourquoi aux Comores on a mis une croix sur le bon sens et la sagesse? Assez! Ça suffit!
  
Ça prendra combien de mois à «Jeannot» pour signer de milliers d’arrêtés de nomination des fameux chefs de villages et de quartiers? Pourquoi les autorités comoriennes n’ont jamais peur de se couvrir de ridicule? Je répète: si j’étais le Président Ikililou Dhoinine, je n’aurais jamais signé un document parlant de la nomination de chefs de villages et de quartiers. Pour comprendre la stupidité de cette affaire de chefs de villages et de quartiers, il suffirait à peine de lire l’article 7 de la Constitution, article ainsi rédigé: «Dans le respect de l’unité de l’Union et de l’intangibilité de ses frontières telles qu’internationalement reconnues, chaque île administre et gère librement ses propres affaires. Chaque île établit librement sa Loi fondamentale dans le respect de la constitution de l’Union. Les Comoriens ont les mêmes droits, les mêmes libertés et les mêmes obligations dans n’importe quelle partie de l’Union. Aucune autorité ne pourra adopter des mesures qui directement ou indirectement, entraveraient la liberté de circulation et d’établissement des personnes, ainsi que la libre circulation des biens sur tout le territoire de l’Union. Les Îles comprennent un exécutif et une Assemblée élus ainsi que des collectivités territoriales dotées d’un organe délibérant et d’un organe exécutif élus». Au surplus, «le Gouverneur exerce la tutelle des collectivités locales ainsi que des établissements publics à caractère industriel et commercial d’intérêt insulaire» (article 13). Alors, que vient faire le ministre de l’Intérieur dans l’affaire des chefs du village?
  
En France, il existe des autorités déconcentrées (Préfet, nommé par le chef de l’État) et des autorités élues (Maires…), mais les autorités déconcentrées n’imposent pas des décisions politiques aux autorités décentralisées. Alors, pourquoi aux Comores, où l’autonomie des collectivités territoriales est plus poussée que celle des collectivités françaises car bénéficiant d’une autonomie inhérente au fédéralisme auquel ont opté les Comores, il faut que des radoteurs et des fantoches de villages et de quartiers viennent s’imposer à des élus? Où les autorités comoriennes ont-elles vu une telle mascarade? S’il y a des Comoriens qui veulent intenter un recours contre ce scélératisme politique et pseudo-juridique, ils n’ont qu’à soulever la transgression des normes relatives à l’autonomie des îles par les interventions du pouvoir fédéral. C’est tout: «La Constitution reconnaît aux îles une autonomie, et il n’est pas admissible que celle-ci soit mise en danger par des interventions de l’État fédéral». Point à la ligne. Tout ceci permet de constater le divorce entre les autorités comoriennes et le Droit, et malheur à celui qui évoquera le sujet en public puisque l’ignorance du Droit ne choque pas.

Par ARM
© www.lemohelien.com – Samedi 21 mars 2015.
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