L’«Aéroport» de Mohéli, notre gigantesque serpent de mer national

Lancement des travaux, oui, mais nous attendons de réalisations concrètes. «Ici, nous ne croyons plus à rien. Du coup, nous sommes ob...

Lancement des travaux, oui, mais nous attendons de réalisations concrètes.


«Ici, nous ne croyons plus à rien. Du coup, nous sommes obligés de revenir aux vieilles méthodes, consistant à épier les gens dans leur chambre à coucher. Et si nous ne voyons pas le mari monter sur le lit conjugal, nous sommes obligés de tirer la conclusion selon laquelle il s’agit de quelqu’un qui fait semblant, à la demande du vrai époux», soupire ce Djoiezien, quand on lui pose la question sur la joie des Mohéliens à la suite du lancement des travaux de construction de l’aérogare de l’«Aéroport» de Mohéli. Ce lundi 27 janvier 2014, on a assisté au lancement des travaux de construction de la nouvelle aérogare de l’«Aéroport» de Mohéli. Le ban et l’arrière-ban de la classe dirigeante comorienne étaient à Bandar-Es-Salam, Mohéli, pour la circonstance: la Première Dame, le Vice-président Mohamed Ali Soilihi (qu’on disait mort, il y a encore quelques jours), le Vice-président Nourdine Bourhane («l’homme-État»), Mme Bahiat Massounde, belle-sœur de Nourdine Bourhane et ministre très contestée, Omar Mohamed dit «Omar Ikililou», en raison de sa bonne entente avec le chef de l’État, Directeur général de l’Aéroport de Hahaya, etc. Le très controversé Assani Bacar dit «Dany», Directeur national des Infrastructures, y était aussi. Il est né à quelques centimètres de l’«Aéroport» de Mohéli, dont il sabote les travaux de construction.

La fête aurait été très belle sans la présence sur les lieux de Mohamed Rama, à qui personne ne connaît une compétence quelconque et qui se trouve affublé du titre ridicule et ronflant de «Conseiller du Gouverneur de Mohéli». N’est-ce pas le même Mohamed Rama qui sévissait à Bonovo quand Mohamed Saïd Fazul était Président de l’Île autonome de Mohéli, poussant les Mohéliens à considérer que la présidence de Mohamed Saïd Fazul relevait du pur folklore? N’est-ce pas lui qui a quitté la mosquée de Bandar-Es-Salam, pour suivre son maître, le Gouverneur Mohamed Ali Saïd, au prétexte que le Vice-président Fouad Mohadji s’y trouvait, faisant d’un lieu de culte un bouiboui où l’on vide de vaines querelles politiciennes? Et qu’a fait Mohamed Ali Saïd dans la réalisation de ce projet pour qu’il le cite dans son discours de remerciement? Comment les Mohéliens veulent-ils qu’on les respecte si, sur une île de 45.000 habitants, ils n’ont trouvé personne pour prononcer un discours en dehors de Mohamed Rama, qui n’est pas le meilleur fils que l’île a engendré? Enfin…

La construction de la nouvelle aérogare va coûter la bagatelle de 980 millions de francs comoriens, de quoi financer une bonne campagne présidentielle. C’est bien. Cependant, il y a un grand problème, et il ne faut pas croire que les Mohéliens sourient béatement et bêtement parce qu’on a posé une première pierre à Bandar-Es-Salam. Aujourd’hui, le sentiment général qui prévaut à Mohéli est un scepticisme teinté de colère froide. Les Mohéliens sont en colère.

Il y a scepticisme parce qu’Assani Bacar, né à Bandar-Es-Salam, a l’habitude de casser tous les projets qui doivent être réalisés à Mohéli. Samedi 5 octobre 2013, un Mohélien en colère criait au téléphone: «Dany a la manie de prostituer tous les projets devant se réaliser à Mohéli, pour gagner de l’argent pour lui-même, toujours en construisant de la merde sur l’île, comme c’est le cas du port ou des routes, devenus la risée des autres Comoriens. Il favorise tout le temps des intérêts personnels et des intérêts familiaux». Un membre de la famille d’Assani Bacar nous dira que tout ça est faux, et nous respectons son opinion, mais les Mohéliens qui accusent «Dany» sont nombreux et unanimes. Le Président Ikililou Dhoinine a demandé à ce qu’une aérogare de 134 mètres soit construite à Bandar-Es-Salam. Tous les experts ayant travaillé sur le projet ont suggéré de construire l’aérogare sur une surface incluant la Colline de Mbangani et le Grand Baobab de Bandar-Es-Salam, situé de l’autre côté de la localité. Or, au mépris de tout bon sens et de toutes les règles d’intérêt général, «Dany» fait la sourde oreille, pour que le projet se détourne d’une partie de l’Aéroport jadis empruntée par «son oncle Abdou Sinangoya, un homme né hors de Mohéli et sans aucune attache à Mohéli quand il est arrivé sur l’île, un ancien employé de l’Aéroport qui avait emprunté cette partie du domaine de l’Aéroport, quand Mohéli était dans des ténèbres encore plus épaisses», signale un jeune de Boingoma qui se trouve dans une colère à couper au couteau. Et, il n’est pas seul, car des Mohéliens disent que «les pires ennemis de Mohéli sont des Mohéliens».

Ce qui énerve vraiment les Mohéliens, c’est que la portion de terre «empruntée» jadis par Abdou Sinangoya fait face à la Colline de Mbangani et appartient, on ne le dira jamais assez, au domaine aéroportuaire. Bien évidemment, il est expliqué aux enfants d’Abdou Sinangoya qu’ils n’ont aucun titre de propriété sur le terrain en question et qu’ils doivent restituer à l’«Aéroport» son bien et aller chercher ailleurs. Mais, Assani Bacar dit «Dany», droit dans ses bottes d’ingénieur civil formé en Algérie, ne l’entend pas de cette oreille, et veut favoriser des intérêts illicites de ses proches, au détriment des intérêts légitimes de toute une île. Le même «Dany» se démène dans tous les sens pour contourner cette portion du domaine de l’«Aéroport». On pourrait résumer le drame par un titre choc: «Un Mohélien contre Mohéli».

C’est alors qu’entre en scène le Djoiezien Soilihi Mohamed, Conseiller officieux et très influent d’Ikililou Dhoinine, que Mohamed Ali Ridhoi prie de prendre sa retraite politique après une carrière politique de plus de 60 ans. Remontons aux années 1990, sous la présidence de Saïd Mohamed Djohar. Sans disposer d’une quelconque autorité légale, Soilihi Mohamed, notre oncle bien-aimé, désireux de faire élire à la députation son ancien «protégé», Mohamed Larif Oucacha – en 2010, il sifflera aux oreilles d’Ahmed Sambi le nom d’Ikililou Dhoinine avec insistance au détriment de Mohamed Larif Oucacha et de Fouad Mohadji – avait attribué à des Anjouanais nés hors de Mohéli des terres du domaine public situées dans le périmètre stratégique et légal de l’«Aéroport». Les dirigeants mohéliens sont d’une mauvaise foi d’une telle intensité qu’on se demande comment Mohéli n’est pas encore engloutie par les eaux de l’océan Indien poussées par celles de la «Mer de Sang» (la Mer Rouge). Ils passent leur temps à donner ce qui ne leur appartient pas, en tuant cette pauvre île. C’est de cette manière ignoble qu’ils ont coulé Mohéli, pan par pan, morceau par morceau. Notre Soilihi Mohamed national ne veut pas que ses «protégés de la piste de “l’Aéroport”» soient priés de quitter les lieux.

Comment peut-on logiquement et légalement donner quelque chose qui appartient à autrui, l’«Aéroport» de Mohéli, en l’occurrence? Tout le monde le sait: les trois plus grandes revendications de Mohéli sont l’aéroport, le port et une grande capacité de stockage des produits pétroliers. Cela fait des années que les Mohéliens en parlent, mais à ce jour, rien n’est venu les consoler. Le port de Mohéli, tout le monde le sait, est une «virgule à la Nike», puisqu’il ressemble étrangement au symbole représentatif du fameux équipementier sportif. Il s’agit d’une sorte de chose innommable qui disparaît sous les eaux de l’océan à la marée haute. Ce «port» est tout simplement une honte. Pour ce qui est du stockage des produits pétroliers à Mohéli, on est dans la foutaise totale parce que Mohéli est toujours en situation de pénurie, étant donné que les citernes sont de la taille d’un œuf de pigeon. Cela fait des décennies que les Mohéliens pleurent sur cette situation, mais on ne voit rien venir.

À Bandar-Es-Salam, on a vu une belle brochette de personnalités poser la première pierre de la nouvelle aérogare de Mohéli, mais cela ne signifie pas pour autant que l’île de Mohéli est sortie de l’ornière, voire de l’auberge. On se souvient des nombreuses années de décalage entre la pose de la première pierre du pont sur la rivière de Djoiezi et la construction du pont lui-même. Donc, comme les Mohéliens en ont vu d’autres, il ne faut pas compter sur eux pour rire aux éclats parce qu’on a procédé à une belle cérémonie protocolaire, gâchée tout de même par le discours de Mohamed Rama. Ce que les Mohéliens veulent voir c’est autre chose que cet étranger qui errait dans le poulailler tenant lieu d’«aérogare» à la recherche de toilettes, et qui a dû laisser son slip sur place. N’allez surtout pas croire que j’affabule. J’ai vu ce slip. Notre hôte n’en pouvait plus, et il avait opté pour la seule solution qui s’offrait à lui. Si l’île de Mohéli se targue d’être hospitalière, son hospitalité doit être prouvée dès l’«Aéroport».

Par ARM
© emohelien – Mercredi 29 janvier 2014.
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